Les avocats ne sont pas technophiles

La semaine dernière je suis allé voir ma banque pour un prêt personnel. Nouvelle Chargée d’Affaires, je suis donc obligé de me représenter, je lui dis assez fièrement que je suis fondateur de LegalProd, une startup qui développe des logiciels de gestion totalement innovants pour les cabinets d’avocats. Bon, j’avoue que j’ai pris une petite claque quand elle m’a dit « des logiciels pour les avocats ? Mais ils en sont encore au papier et au dictaphone ! Mais qu’aller vous faire dans cette galère (Elle a surement dû lire les Fourberies de Scapin pendant ses vacances…) »

Au début, je ne voulais pas argumenter, elle pense bien ce qu’elle veut, mais moi, je connais les avocats et mes produits se vendent. Et puis au bout de quelques secondes, je me suis dit mais non ! Il faut que tu lui expliques pourquoi l’innovation et la technologie ont tout à fait leur place au sein des cabinets, c’est ton prêt qui est en jeu !

Alors oui, la profession d’avocat n’est pas la plus digitalisée, mais l’important une fois qu’on a posé ce fait et la fameuse question du « Pourquoi ? ».

Parce que les avocats sont trop vieux ? Non, les statistiques montrent plutôt une population qui rajeunie.

Parce qu’ils sont rapidement perdus quand ils utilisent des technologies ? Non, au contraire, allez traîner dans les cabinets et vous verrez tous les avocats, téléphone à l’oreille ou discutant avec leurs contacts sur Whatsapp et avec un PC portable sous le bras.

Parce la technologie n’a pas sa place dans le métier d’avocat ? Non bien au contraire ! La technologie est une réelle source de développement pour les cabinets.

Mais, pourquoi alors ? La réponse est en réalité assez simple… rien n’a été pensé pour eux ! C’est aussi élémentaire que ça. Pendant des années, les éditeurs de logiciels ont essayé de vendre des outils faits pour les entreprises sans prendre en compte les besoins spécifiques des avocats (j’ai d’ailleurs rédigé un article sur le sujet (mettre lien de l’article). De ce fait, la partie été jouée d’avance.

Alors qu’est ce qui a changé aujourd’hui ?

Depuis quelques années des LegalTech se sont fortement concentrées sur les besoins réels des avocats et ce dans l’ensemble de leurs activités : SIRH, Traduction, aide à la rédaction, GED, gestion des dossiers, gestion administrative du cabinet… et aujourd’hui Intelligence Artificielle

Les cabinets d’avocats ont donc commencé depuis une dizaine d’années à se digitaliser, même s’ils restent encore assez sous équipés, ils ont parfaitement compris l’intérêt qu’il y avait pour eux de s’équiper de tels outils. Sans faire une étude exhaustive de tout ce que peut apporter la digitalisation d’un cabinet, nous pouvons faire un focus sur deux éléments clés.

 

Replacer le client au centre des cabinets d’avocats

 

Vous allez sûrement me dire, que la technologie déshumanise les relations entre les personnes, les interactions deviennent moins personnelles et les rapports humains sont plus distendus. Même si ces stéréotypes ont la vie dure, la réalité est toute autre ! Les technologies et les innovations sont en réalité des catalyseurs de relations humaines.

Depuis maintenant une vingtaine d’années le consommateur n’est plus passif face à sa consommation mais devient aujourd’hui un acteur attentif de plus en plus exigeant. Il tient à être à être informé de ce qu’il achète, des produits utilisés lors du processus de production, de la provenance de ses achats… Bref, il devient de plus en plus exigeant et demande de la transparence. La consommation de services n’échappe pas à cette règle.

Les entreprises quant à elles, n’ont pas d’autres choix que de s’adapter car le consommateur dispose maintenant d’armes puissantes pour faire ou défaire un produit, un service ou une notoriété. Avec Internet, l’acheteur note, évalue, et utilise les réseaux sociaux pour clamer à qui veut le lire son mécontentement. Les cabinets d’avocats comme n’importe quelle entreprise doit faire face à ce nouveau phénomène.

L’autre facteur à prendre en compte est la modification des modes de consommation. Avec Internet, on décide de ses achats en ligne, on commande en ligne on suit son dossier en ligne. L’avènement du télétravail n’a fait qu’accélérer les choses. De plus en plus d’avocats me disent voir de moins en moins leurs clients !

Les cabinets d’avocats sont touchés de plein fouet par ces évolutions et doivent y faire face. C’est ici que la technologie devient une planche de salut.

Si je résume les clients des avocats veulent :

  • Devenir acteur de leur dossier,
  • Être tenu au courant en temps réel des évolutions et du travail fait par leur avocat,
  • Communiquer facilement avec eux à tout moment et à distance.

Pour répondre à ces besoins les avocats peuvent compter sur la technologie en donnant facilement un accès à distance via un Intranet ou utiliser un système de chat sécurisé par exemple.

Dans ces exemples, la technologie réduit les distances entre un avocat et son client.

Le chat sécurisé va permettre d’échanger entre les deux parties en tout discrétion comme s’ils étaient dans le même bureau. Le client n’a plus à craindre de voir ses informations divulguées et se sent en confiance. De plus, il peut à tout moment poser une question sans attendre que son avocat soit disponible.

Un accès intranet sécurisé va quant à lui, permettre au client de suivre l’avancée de son dossier, et si celui-ci est équipé d’un coffre-fort, déposer des pièces comme s’il les remettait en mains propres sans avoir besoin de se déplacer !

Ces deux exemples montrent bien que la technologie, quand elle est bien utilisée, réduit la distance entre un client et son avocat, plus encore elle renforce la notion de confiance qui est primordiale dans l’activité d’un avocat.

La mise en œuvre de tels outils replace le client au centre de la relation, qui ne se considère plus comme un simple numéro mais comme une personne singulière à qui ont fait attention. Et vous savez quoi ? C’est exactement ce qu’attendent ces nouveaux consommateurs ! C’est ça la relation client !

 

Créer des synergies à l’intérieur du cabinet

 

Il n’est plus à montrer que la valeur ajoutée d’un groupe doit dépasser la somme de la valeur des individus qui compose ce groupe. Les cabinets d’avocats l’ont bien compris, en tout cas mes clients m’interrogent de plus en plus sur le sujet.

Les cabinets d’avocats ont parfaitement intégré qu’en multipliant et en facilitant les interactions entre les associés, il se dégagera automatiquement des synergies qui amélioreront rapidement l’ensemble de l’activité. Alors oui, les avocats n’ont pas attendu la technologie pour échanger, mais ces échanges sont assez limités. Quand je discute avec mes clients ils me disent qu’ils se limitent à la machine à café, à la pause déjeuner et quelques réunions dans l’année. Mais ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, ces interactions restent assez faibles et se font principalement autour du copinage.

Pourtant les cabinets d’avocats sont assis sur une mine d’or encore mal exploitée :  le réseau interne !

C’est ce réseau qu’il faut travailler en priorité mais le dire et le vouloir ne suffit pas. Si tout le monde le sait et si tout le monde est d’accord pourquoi n’est-ce pas mis en application ? Car il existe des freins que la technologie peut lever assez facilement.

Le frein principal provient d’asymétries d’informations « si je donne un contact à un de mes associés en fera-t-il de même ? », « Comment être certain d’être rémunéré pour un apport d’affaires ? », « si je donne une de mes productions à un associé, comment la valoriser ? »

Ces questions sont légitimes et la technologie y répond parfaitement !

L’utilisation d’un CRM règle largement ces freins. Mais attention, pas n’importe quelle CRM ! Un CRM marché n’est absolument pas efficace et ne répond pas aux questions des avocats, il faut un CRM spécialement dédié au cabinet d’avocats. Celui-ci doit être capable d’anonymiser des contacts, c’est-à-dire de cacher aux autres Associés les informations nécessaires à la prise de contact mais laisser à disposition certaines informations comme sa fonction par exemple.

Ainsi, je sais que mon Associé à un contact DRH dans telle société mais je ne sais pas qui il est, je dois alors lui demander l’autorisation pour accéder aux autres informations comme le nom, prénom, téléphone, mail….

En plus d’être transparent, ce système à l’avantage d’obliger les avocats à collaborer car l’ensemble des associés en tire un avantage. L’associé qui demande un contact se créé une opportunité business et l’associé qui partage un contact se retrouve rémunéré et garde l’origine du compte !

Un autre outil fondamental au sein d’un cabinet d’avocats est une GED qui va permettre à l’ensemble du cabinet de pouvoir trouver des précédents ou des modèles de production. Mais attention ! encore une fois, il s’agit ici de s’équiper d’une GED qui correspond aux besoins des avocats !

Prenons cette fois-ci l’exemple d’un associé qui produit un document pendant 5 heures mais qui ne le vend que 3 heures (cela est assez récurent dans les cabinets). Une GED pour avocat devrait être capable de mettre à disposition ce document au reste du cabinet pour qu’il soit revendu pour 2 heures lors d’un autre dossier. Ici aussi tout le monde y gagne, l’associé qui a produit le document rémunère l’intégralité de ses heures de production et l’associé qui a récupéré le document déjà fait pourra lui aussi le monétiser.

Et oui ! Vous l’avez compris pour collaborer, il faut que chaque partie ait un avantage à le faire et empêcher les comportements de passager clandestin.

 

Donc non, les avocats ne sont pas anti-techno ! Bien au contraire, le retard de digitalisation que connaissent aujourd’hui les cabinets est juste dû aux éditeurs de logiciels qui n’ont pas jugé nécessaire d’investir sur ce marché. Heureusement, cette époque est révolue ! Les Legaltech ont vu le jour et développent des produits spécialisés qui s’adressent exclusivement aux avocats.

A la vue de ces explications, j’ai senti ma chargée d’affaires se dérider ! Je crois qu’on peut dire que j’ai fait le taff comme on dit.  Quelques jours après, la bonne nouvelle est tombée, j’ai eu mon prêt !!

 

Si cet article vous a plu, n’hésitez pas à regarder celui ci :

Le cabinet d’avocat, une entreprise comme une autre ?

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